vendredi 23 avril 2010

Un volcan, tout fout le camp

La petite semaine volcanique qui s'est écoulée a eu l'effet d'une poignée de poussière jetée à la face de l'Humanité plutôt stupéfaite par ce traitement (j'en imagine facilement l'allégorie : une grande femme têtue, ignorante, sûre d'elle et un peu schizophrène, le regard glaçant dans un visage sanguin, et qui bégaie d'agacement devant les nuées de cendres.)
On va vite l'oublier, quoi qu'on en pense, et même si on chiffre déjà en milliards d'euros le manque à gagner de la ruche affairiste mondiale.

D'un côté, un banal volcan, quelque part sur une île isolée, surpris à entrer dans une banale éruption - un pet de souris au regard des dernières millions d'années tectoniques, volcaniques ou météoriques, avec leurs pachydermes aux vents cataclysmiques.
De l'autre, une Humanité qui se fait roussir quelques poils à son manteau de vison et qui tape du pied.

Plus sérieusement, voici un évènement terrestre de centième ordre qui donne un coup de bambou à la sacrosainte croissance, à la course effrénée aux "plus de tout en moins de temps possible", et qui fait aussitôt naître des fissures au monument de la mondialisation qu'on a tendance à croire en acier, à l'épreuve de tout, surtout du monde.

Plus le temps passe, plus l'Humanité se mure dans un château sophistiqué, aux remparts de papier peint, aux tours d'allumettes, aux décors en trompe-l-œil, et s'émerveille sur son propre génie à s'émanciper de "Dame Nature" (cette autre allégorie aux gros seins et aux cheveux verts, avec un panda qui fait "ôm" en guise de compagnon).
La force de l'Humanité, c'est qu'elle oublie vite ses faiblesses.
C'est darwinien : plus encore que la méfiance et la prudence, ce sont l'audace et la foi aveugle qui ont permis à cette tribu de primates sans complexe d'imposer sa loi à la biosphère.
Mais cette loi se limite aux autres espèces, largement décimées, exploitées et plutôt larguées dans la course à l'évolution. Elle se limite surtout à ses propres législateurs.
L'Humanité oublie trop vite, et a très peu d'imagination. Elle a du mal à se voir de l'extérieur.
Avec du recul, ce qu'elle verrait, c'est son joli château fait d'ailes de papillon et posé au sommet d'un petite butte de terre, dans une prairie pleine d'éléphants à perte de vue.
Le volcan islandais, ce n'est même pas un acarien qui grimpe aux murs colorés de son "abri".


Je cite, en ordre croissant (et subjectif) de gravité, les bobos et autres tracas que nous pourrions connaître
- des éruptions beaucoup plus longues et volumineuses en Islande ou ailleurs.
- un hoquet solaire - voir l'éruption solaire de 1859
Aussi bête que ça : en 1859, ça a affecté la technologie pourtant grossière des télégraphes. Maintenant, ça foutrait en l'air l'ensemble de nos télécommunications pendant... longtemps, le temps de relancer des satellites, de reconstruire des ordinateurs détruits etc. Et les effets "de bord" : accidents, coûts astronomiques, effets dominos imprévisibles avec les centrales électriques, GROS effets sociaux-économiques, sanitaires...
- Un petit visiteur de l'espace, qu'on appelle communément un bolide, tombant mal, par exemple sur une grosse agglomération. Voir les fréquences et conséquences des impacts de météores et astéroïdes.
- Un supervolcan se réveille. Hiver "nucléaire" garanti, c'est l'orage sur la savane et le château qui se déglingue.
- Un gros visiteur de l'espace. Ça, c'est un éléphant qui foule la butte de terre.
- Une hypernova. Le plus ironique, avec cette dernière menace si hypothétique et si tangible à la fois, c'est que l'événement a peut-être déjà eu lieu, et que ses conséquences ne se feront sentir que lorsque nous entrerons dans son cône de lumière. 10 petites secondes plus tard les carottes seront cuites, et moi avec.

Nul besoin d'évoquer les pires cataclysmes. Il suffit d'un événement de ceux qui frappent tous les dix mille ans, et on aurait vite fait de se retrouver à poil, retour à la case départ, l'ingéniosité en plus, les ressources et les moyens en moins.
Et là, cher lecteurs anonymes et (heureux ?) survivants, vous vous souviendriez de ce message sur ce blog, et vous verseriez une larme en pensant à internet et aux quelques longs siècles avant que cette fragile merveille ne refasse son apparition, et à cet âge d'or que vous viviez sans le savoir.

Je suis différent de vous : moi, j'aurais tendance à enlever le "i" aux verbes conjugués dans le paragraphe juste au-dessus. Mais n'appelez pas ça du pessimisme. C'est juste du réalisme improbable.

samedi 17 avril 2010

Rimbaud : est-ce lui sur la photo ?

Rimbaud fait partie de ces personnages qui m'ont toujours fasciné, dont je me suis toujours senti très proche, surtout le Rimbaud adulte, étrangement, car j'ai toujours eu l'impression qu'il était le "vrai" Rimbaud, celui qui voulait s'en sortir socialement, faire quelque chose de sa vie, quitte à la risquer dans des régions hostiles, quitte à faire des choses que de nos jours on condamnerait fermement mais qui à l'époque étaient la voie royale vers la fortune, la réussite et l'accomplissement de soi. Quand je pense à Rimbaud, je pense à Joseph Conrad, à Richard Burton (l'explorateur écrivain) et à ces aventuriers non dénués de préjugés mais tellement modernes comparés à leurs contemporains.

Alors quand j'ai appris qu'on avait "trouvé" une photo de Rimbaud à 26 ans, c'est peu dire que ça m'a vraiment touché.
J'ai vu la photo, je n'ai pas reconnu le poète de prime abord, mais très vite j'ai adopté ce visage comme celui du "vrai" Rimbaud, pas le Rimbaud adolescent au visage rond et tellement... adolescent.
Étant suspicieux de nature, j'ai mis de côté mon émotion et mon excitation et j'ai essayé de faire parler cette photo, en la comparant au plus célèbre portrait du poète.

J'ai fait deux montages (vous pouvez cliquer sur les images pour les agrandir) :

Dans le premier, je pars de la nouvelle photo telle quelle pour arriver à la photo de Carjat. D'abord je lui enlève la moustache, puis je superpose le visage juvénile au visage adulte.



Dans le deuxième, je pars de Carjat, j'ajoute une moustache et je change la direction du regard, je superpose le visage adulte, et voilà.



Qu'en penser ? Chacun peut en tirer ses conclusions. Manipulation, aveuglement ? Je ne sais pas.
Une chose est sûre : rien ne prouve que la nouvelle photo représente bien Rimbaud, mais l'argument "il ne ressemble pas!" ne tient pas du tout. Entre 16 ans et 26, on maigrit (surtout quand on crapahute en Afrique).
Les arguments pour :
- Même oreille gauche
- Mêmes paupières tombant vers l'extérieur.
- Même narine gauche (en fait le "trou de nez")
- Même implantation de cheveux (à gauche, partie visible)
- Mêmes proportions du visage : écartement des yeux, des oreilles, nez, menton
- et même si je ne peux les vérifier, les infos selon lesquelles la photo a été prise à l'hôtel où l'Ardennais résidait, à la même période.
- j'ajouterais : les autres photos de Rimbaud adulte (à 30 ou 35 ans), hélas de mauvaise qualité, laissent néanmoins deviner un personnage émacié, le visage dur, loin du cliché de Carjat (devenu "cliché" à force d'être utilisé.)
Arguments contre :
- Rien n'indique sur la photo qu'il s'agisse de Rimbaud, et en effet il pourrait s'agir de n'importe qui un tant soit peu ressemblant.
- Les yeux clairs quand il est jeune le paraissent moins quand il est adulte. Mais des yeux clairs en noir et blanc ne donnent pas toujours l'effet de la photo de Carjat, ça dépend de la dilatation des pupilles. De plus, il me semble que sur la nouvelle photo on devine une clarté du regard, même si ce sont les pupilles qui dominent.
- Le nez en trompette du jeune Rimbaud.En effet. Mais sur la nouvelle photo, le manque d'ombre (la lumière vient plutôt de face, un peu sur la gauche) peu "aplatir" le nez. De plus, on peut remarquer sur la photo de Carjat que le haut du nez est assez large, et comme c'est ce qu'il reste sur la nouvelle photo, ça donne l'impression d'un nez assez épaté ("nez de lion").
- C'est trop beau pour être vrai.
- Si vous en avez d'autres...

Conclusion : pour moi c'est assez beau pour être vrai.

Rimbaud est devenu mythique, entre autres raisons parce qu'il appartient à ces figures mortes jeunes ( les Dean, Guevara, Morrison...). Toutefois, dans son cas, c'est symboliquement qu'il est mort, à 17 ans, avec son inspiration poétique, et sa photo-épitaphe "définitive".
Eh bien, voici un scoop : il a vécu après 17 ans. Je comprends que ça dérange certains de voir que l'archétype du poète jeune et rebelle avait aussi vieilli, mais on pouvait s'en douter... Seule son oeuvre est éternelle.

Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'Éternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil.

AJOUT :

Après avoir navigué sur divers forum, je m'aperçois que nombreux sont ceux qui restent "collés" sur le célèbre portrait de Carjat. Ils refusent le Rimbaud adulte, et pourtant : les autres photos reconnues du poète sont aussi "peu ressemblantes" au célèbre portrait...



Et que dire de cette comparaison ?