vendredi 8 janvier 2010

41638 soleils couchants

Il y a 114 ans jour pour jour mourait Paul Verlaine, le poète.
Cent quatorze ans ans, nom de Dieu !
C'était pas hier. Et pourtant ! Sur ce site (Validated Living Supercentenarians), on voit qu'il reste encore 5 personnes dans le monde à être nées avant le 8 janvier 1896.
Dans une semaine, un mois, quelques mois, il est fort probable que cette liste sera réduite à rien. Ça fout le bourdon.
Mais d'un autre côté, ça crée un lien avec des générations lointaines. Dont celle de Verlaine.
Je me dis : "il y a des personnes qui, en ce moment même, respirent, et qui respiraient déjà quand Verlaine n'avait pas encore expiré". Ces personnes (trois Américaines, une Japonaise) n'ont certainement jamais entendu parler du poète, et devraient s'en foutre royalement si on leur expliquait qui il était. Mais on pourrait remplacer Verlaine par Nobel, ou par Emma Darwin (l'épouse de Charles), ou par Pasteur...
114 ans, donc.
Verlaine est mort sans savoir qu'au même instant, quelque part en Autriche, un petit garçon de sept ans mangeait sa soupe ou jouait aux osselets, et que ce gamin deviendrait un demi siècle plus tard le principal responsable d'une guerre monstrueuse.
Il est mort sans savoir qu'un jeune homme de 17 ans, en Suisse, était en train d'achever ses études secondaires, et allait bientôt changer les perspectives cosmologiques de l'humanité, comme Newton l'avait fait deux cent ans plus tôt.
Il est mort sans savoir qu'au même instant, un bambin de 5 mois, Mary Josephine Ray, braillait quelque part en Amérique du Nord en attendant sa tétée. Et que le coeur de cet enfant battrait encore dans le corps d'une très vieille dame, le 8 janvier 2010, 41638 soleils couchants plus tard.

Une aube affaiblie
Verse par les champs
La mélancolie
Des soleils couchants.
La mélancolie
Berce de doux chants
Mon coeur qui s'oublie
Aux soleils couchants.
Et d'étranges rêves
Comme des soleils
Couchants sur les grèves,
Fantômes vermeils,
Défilent sans trêves,
Défilent, pareils
À des grands soleils
Couchants sur les grèves

(Verlaine, Poèmes saturniens)

2 commentaires:

  1. Ce 18 avril, il ne reste plus qu'une de ces quatre supercentenaires...

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  2. Et là il n'y en a plus du tout :(

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