jeudi 29 octobre 2009

1989, année erratique

Vingt ans. C'était il y a vingt ans, presque jour pour jour.
Un vendredi matin, celui du 10 novembre 1989.
Un temps ensoleillé, clair en tout cas, pas de pluie, une journée qui fleure bon le week-end proche.
Je me revois faire le chemin à pied jusqu'au lycée, 20 minutes dans la lumière de novembre, les autos qui passent, le lourd cartable en cuir qui bat sous mon bras gauche, ou qui pend parfois à l'épaule - une épaule, pas deux, pas comme les petits de la sixième !
J'avais justement cours d'allemand ce matin-là, et c'est la prof d'allemand, la mine réjouie, qui nous parle de la chute du Mur. Ça vient d'avoir lieu la veille, et le matin même tout s'est emballé.
Des élèves sont au courant, ils ont écouté la radio ou regardé la télévision.
Je tombe des nues, vaguement vexé d'être passé à côté de cet événement, de ne pas l'avoir appris avec mes parents, ou plutôt ma mère car ce jour-là mon père est du matin je crois, il s'est levé à 03:30 pour être à l'usine à 04:30. On n'a pas allumé la radio, d'ailleurs il me semble qu'on ne l'allumait pas si tôt.
Mon frère vit en Allemagne depuis trois ans, et il vient justement de visiter Berlin-Est l'été précédent.
Ce Mur, sa chute, c'est un voile qui se lève, des années quatre-vingt qui tombent le treillis et qui fleurissent enfin, après des rêves de fer, des craintes d'apocalypse nucléaire, des faucilles et des aigles qui planent sur nos têtes.
Il y eut des prémisses, un espoir, avec l'arrivée de Gorbatchev à la tête de l'URSS en 1985 après une inquiétante succession de gâteux au même poste. Je me souviens de la radio, de ma mère qui commente la percée de ce jeune soviet, du sang neuf, un peu comme le pape 7 ans plus tôt.

1989. J'étais alors à la fois féru d'histoire, jeune (16 ans) donc sans recul, et témoin d'une année véritablement historique, même au présent, même sans recul.
Les régimes rigides de l'Europe de l'est se délitaient, la Chine venait de bouger dur.
On fêtait le bicentenaire de la Révolution française.
Il restait un an de pouvoir à Thatcher, quelques mois à Reagan. Ces deux-là étaient impopulaires en Europe, mais peut-être ont-ils été un mal nécessaire pour traverser ces années 80 froides, pessimistes, marquées par Terminator, la new wave et d'autres trucs carrés pas très jojos.
Pour moi, c'était sûr : enfin l'Humanité prenait le bon chemin.
Les années suivantes, c'est le cessez-le feu de l'IRA, les accords d'Oslo pour le Proche-Orient, et d'autres babioles historiques qui paraissent aller dans le sens du "tout va mieux".

Où en sommes-nous, 20 ans plus tard ?
Pas besoin de faire un dessin, ce n'est pas pire mais ce n'est pas mieux non plus. Le monde est plus bouillonnant que jamais, avec la mondialisation (bah oui), l'internet, la globalisation de plein de problèmes, la répétition des mêmes thèmes, des mêmes erreurs, les mêmes dénis, les mêmes abus, mais pas les mêmes espoirs. Je pense que les 15-20 ans de maintenant voient les choses de façon plus sereine et cynique à la fois. Nous étions habitués à l'idée qu'un conflit - un GROS conflit -pouvait mettre fin à nos sociétés en quelques semaines si escalade. 1989 a été un GROS "ouf". Les jeunes des années 2000 sont habitués à l'idée que le monde va pourrissant mais rien n'est sûr, "pis c'est pas avant longtemps, c'est même pas not' problème et si ça va plus vite que prévu alors on s'adaptera bien, et pis les vieux ont foutu la merde mais nous ont donné un goût du fric encore plus fort alors nous les jeunes on va pas se priver, non ? Bande de nazes."

Maintenant que j'ai du recul, je vois l'année 1989 comme une belle colline après un creux, et je vois des bosses et d'autres creux depuis lors, et avant aussi, les années 70, 60, les gouffres de 40, de 14, les dépressions régulières, les euphories passagères, et je me dis qu'un centenaire doit sourire dans son dentier quand il regarde les actualités, et que l'histoire n'est pas finie, oh non ! et que des montagnes ou des ravins nous attendent. Un jour ou l'autre.




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