mercredi 27 mai 2009

Muzak de film

Je viens d'aller voir le dernier "Star Trek" au cinéma. Je ne ferai pas de commentaires sur ce film qui m'a diverti à la hauteur de mes attentes - cette remarque, quoique sibylline, suffira pour le moment.
Ce dont je voulais vous parler, c'est de l'usage de la musique dans les films (et aussi dans les documentaires.)
Pendant la séance, je me suis - et c'est à chaque fois pareil pour ce genre de film - agacé devant le déluge sonore de cuivres et grosses caisses, une fanfare bien 14 juillet (ou 4) peu en harmonie avec un spectacle censé se passer dans un futur "galactique" et lointain. On a une sorte d'anachronisme à rebours, un peu comme si, voulant mettre en scène le 21ème siècle, un auteur du Moyen-âge avait abusé du luth, de la vièle ou de la guiterne en montrant des combats de machines volantes.
OK, personne n'a la moindre idée de ce que sera la musique dans, disons, trois cents ans. Raison de plus pour faire preuve de prudence et de modération dans les bandes sonores : prenez un vieux film, et il y a de fortes chances que son côté ringard - ou quétaine - vous saute aux oreilles plus encore qu'aux yeux.
Mais les producteurs et les réalisateurs (je ne sais pas qui choisit la musique) se foutent royalement de faire sourire leurs arrières-petits enfants. Pour les films à gros budget, la musique n'est qu'un gros nappage de chocolat sonore, un truc qui fait pleureur ou bondir, qui accélère le rythme cardiaque, qui renvoie grossièrement à des références consensuelles, comme la musique militaire "roulements de tambours" pour le côté martial, la musique pseudo wagnérienne pour bien souligner le côté épique, le piano qui va piano pour la mélancolie, les accords de rock pour la nostalgie années 60 etc. Quand un film trouve une texture sonore intéressante, les autres s'empressent de recopier. Je ne compte plus les trames avec notes cristallines à la "American Beauty" qu'on retrouve dans tous les films du même genre.
Parfois, je suis scotché par un film, je rentre littéralement dedans, je marche avec les personnages, je vois ce qu'ils voient. Et je réalise alors que c'est parce qu'il n'y a pas de musique distrayante. Non, pas distrayante, mais plutôt aliénante, qui fait du film un acte étranger au présent, qui nous dit "c'est un film" et nous laisse sur nos divans.
Certaines scènes de 2001 sont puissantes par leur silence absorbant. Quand Dany parcourt les couloirs de l'Overlook Hotel, dans le seul bruit des roues de son jouet sur la moquette ou le parquet, on est avec lui - on est lui. Une musique aurait tout foutu en l'air.
La musique nous guide trop, quand parfois on voudrait faire du hors-piste.
Mais d'autres fois, la musique fait partie intégrante de la texture visuelle du film, et alors je plonge dedans pour les raisons exactement opposées : les images ne suffiront jamais à me faire ressentir, vivre l'univers par-delà l'écran, et la musique - le son -, en tant que sens majeur, apporte la touche qui me fait basculer pour de bon dedans. La musique lancinante de Solaris (le remake), l'orgue quasi uchronique de "Clockwork Orange", le piano de "Shawshank's Redemption", le blues de "Blade Runner", la patte de Michel Legrand, les musiques mythiques de "Lawrence Of Arabia", de "Gone with the wind" et j'en passe des plus belles encore...

Tout dépendant de ce que l'on recherche : la liberté, la vraie, sans qu'on nous tienne la main, le silence à remplir de nos craintes, de notre curiosité, de nos joies paisibles... ou la visite guidée, la manipulation consentie, pour aller là où on ne serait pas allé tout seul...

La plupart des films négligent cet aspect. Et la plupart des spectateurs ne sont même pas conscients de la grossièreté de certaines bandes sonores. Pour eux, c'est ça, un film, avec une trame bien grasse pour être sûr de ce qu'on attend d'eux - "pleurez ! applaudissez ! paniquez !" -, et je me dis parfois qu'ils ne veulent pas réellement plonger dans l'histoire, par peur de trouver leurs vies fadasses.


1 commentaire:

  1. C'est aussi ce que je ressens en voyant certains films tellement bâclés dans leur bande son...

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